Du pays où l'eau coule à l'envers...
Un mois aujourd’hui…
Un an de plus aussi…
Argentine, ciel inconnu,
perdue dans ces rues sans noms, suites
de numéros sans fin … calle
12, n. 1960 entre 72 y 73, 1900 La Plata. *
D’abord les valises, enfin
non, les valises c’était au dernier moment, juste avant le départ, comme d’habitude…
Ma vie dans deux grands sacs, difficile de choisir les chaussures, prendre
quelques livres en français pour me tenir compagnie, Mouton évidemment, mes
grandes chaussettes ( pas d’été avant septembre, on dirait que quelqu’un m’a
volé une saison…) et puis tout le reste qui pèse lourd à l’aéroport. Mais pas
autant que les adieux.
L’avion, qui avait dit que
je perdrais ma valise ? C’est chose faite ! Partie en vacances à
Santiago du Chili avec l’avion qui a décollé sans nous ( le surbooking où
comment entuber les voyageurs…), je ne la retrouverai que quelques jours plus
tard. En attendant, pour moi et mes compagnons de voyage Antoine et Cyrille,
course dans l’aéroport pour trouver un autre vol…
Arrivée à Buenos Aires,
surprise, pas de valise ! Premiers pas sur une terre inconnue, les yeux
grands ouverts, mais où suis-je ??? Le bruit, les voitures, les odeurs de
viande grillée, les vendeurs à la sauvette, la fatigue et puis le restaurant,
enfin… Premier asado, découverte des vins argentins (bebida gratis… votre
imagination fera le reste du chemin !) et photo avec le serveur rebaptisé
Pedro par nos soins.
Appartement de Benoît, le
français qui m’héberge, j’ai dormi 12h avant d’ouvrir les yeux dans une chambre
qui n’est pas la mienne. Pas le temps de tergiverser, petit déjeuner sur la
terrasse, s’ensuivent trois jours de visite dans la capitale « la
plus européenne » d’Amérique Latine… Tout est pareil mais tout est différent.
Les costumes cravate se baladent dans les rues à côté de cartoneros, pas de
pavés sur les trottoirs mais des drapeaux argentins partout, fierté du pays.
Buenos Aires, ciudad mesclada. La ville dévore les hommes, attire les regards
et les convoitises, offre sans regarder à ceux qui tendent la main le luxe et
la misère.
Dimanche pluvieux, départ
pour la Plata, ma ville universitaire. Il fait froid, gris, et triste… Après un
dimanche dans une chambre sans chauffage je rejoins les garçons qui partent
dans le nord. Découverte du car argentin, semi cama / cama ? Là où il y a
de la place car les transports sont bondés ! Vacances d’hiver pour
moi, soleil d’été pour vous… Voyager est synonyme de patience, le pays est
grand et ici chacun prend son temps. Une nuit en car, pour une fois je ne
m’endors pas sur ma voisine. Nous arrivons à Cordoba, agréable ville du nord,
agitée par les manifestations des travailleurs qui réclament une retraite
décente. « La gauche caviar » traverse le monde …
Auberge de jeunesse,
visite de l’église jésuite classée au patrimoine mondiale, pizza (la énième
depuis mon arrivée…) et le lendemain Alta Gracia. Avez-vous déjà vu le Che en
maillot de bain ??? La maison de famille est devenue un temple
touristique, entre culotte courte et treillis militaire, les secrets
disparaissent.
Le bus, de nouveau, et
Salta la Linda est là, devant nous. Le soleil du nord pour nous réchauffer, les
montagnes, le sourire, enfin. Dans l’auberge, je rencontre des français et
reste avec eux quelques jours pendant que les garçons descendent plus au sud.
Quel bonheur d’entendre parler sa langue maternelle ! Je n’imaginais pas
l’effort et la fatigue que demanderait le passage d’une langue à une autre.
A Salta, ballade à cheval
dans les montagne, plaisir véritable ! Le calme, le vent, la nature,
l’excitation de la vitesse, l’envie de se faire peur. Le lendemain, virée dans
le nord à Pumamarca, petit village près des Andes où nous découvrons la
montagne aux 7 couleurs les lacs de sel.
Inimaginable. Une mer blanche, dure, sèche s’étend loin vers l’horizon.
Mais il est temps de
rentrer, d’avaler les kilomètres et les 22heures de car pour retourner à La
Plata…
Mauvaise surprise, le
froid est toujours là. Et la fac ne commence que dans une semaine (et puis une
autre …). La maison de Sebastian ne me plait pas beaucoup, je ne m’y sens pas
chez moi. Je (re)découvre l’angoisse, la peur, les crises de larmes, cette
boule au fond de l’estomac qui ne veux pas s’en aller. Sebastian travaille et je suis seule. Un nouveau colloc arrive,
avec lui ça ne va pas. Et puis au bout de quelques jours, je fais une allergie
aux chats et aux cons alors je m’en vais, rapidement. Pas la peine d’insister.
Antoine et Cyrille
m’accueillent dans leur maison pour quelques jours. Nous sommes 8, puis 10,
puis 13… ! La maison est pleine de français qui cherchent refuge, ici des
vêtements sales, là quatre matelas, des brosses à dents dans la salle de bain,
une soirée crêpes (Bretagne oblige, les français sont tous bretons !), la
chaleur des uns et des autres… « La casa de Fanny », un vrai
bonheur ! Mais pas possible de rester vivre ici car il y a trop de monde
et on se marche vite sur les pieds. Je rencontre Hannah, une allemande qui
cherche une chambre, puis Joao et Raphael qui cherchent des colocataires… Et
pourquoi pas ?
Le temps d’un weekend à
Buenos Aires chez Benoît pour mon anniversaire, une soirée à Senor Tango
éblouissante, des ballades à la Boca, San thelmo et Tigre ( des noms, rien que
des noms pour aiguiser votre curiosité !) et je rentre à la Plata faire ma
valise une troisième fois. Basta ! Cette fois j’y suis j’y reste !
Et me voilà, dans mon lit,
prête pour une deuxième nuit dans une casa qui est déjà la mienne… je me sens
bien, je suis calme, souriante. Les brésiliens sont adorables, Hannah est une
excellente compagne de chambre. Mon gâteau au chocolat a fait des miracles hier soir, je suis acceptée ! Je
sens que la vie va être belle ici. Déjà un mois, le plus dur est fait, le reste
est là, devant moi. Asados, cerveza, dulce de leche, tango, intercambio, mate,
seminario latinoamericano, noche argentina, tant de saveurs, d’images, de rêves
qui aparaissent, de mots nouveaux qui glissent et puis s’installent sans un
bruit. Je sais ce qu’est un colchon, je ne retiens pas l’expression se brosser
les dents, le conducteur de taxi me raconte ses histoires de famille…
Et malgré l’eau qui coule
à l’envers, le vent du bout du monde vous apporte mes histoires, mes sourires,
mes surprises, et cette mélancolie particulière qui prend les étudiants
étrangers certains soirs…
Besos muchos a todos *****
Marie Charlotte 20 août 2008
* pour les plumes
désireuses, gribouilles et élucubrations peuvent être envoyées à cette adresse…